En 1308, les ouvriers du dôme de Sienne commandèrent à Duccio di Buoninsegna une monumentale Madone en Majesté avec des saints et, au revers de celleci, la Passion du Christ. Si au cours du XVIIIe siècle, l'œuvre a été dispersée et amputée, le cycle représentant la Passion est resté intact. Avec une véritable prouesse technique, Andy Guerif réinvente le chef d'œuvre de Duccio en ayant à l'esprit La Vie mode d'emploi de Georges Perec et tourne avec des bénévoles tous les dimanches pendant sept ans, mettant ainsi en scène non seulement la peinture, mais aussi le laborieux processus de fabrication à l'origine de la peinture même. Le système de narration qui traverse les 26 panneaux est repris par le réalisateur avec une extrême rigueur de mise en scène, mais aussi “troublé” par une réjouissante touche comique, tatiesque et postmoderne. Maestà parvient ainsi à tracer une ligne inattendue et lumineuse entre le majestueux polyptique du XIVe siècle, les arts performatives et le cinéma contemporain. Une œuvre inclassable, unique et stupéfiante.
Paolo Moretti